15 décembre : journée de l’espéranto

Nous fêtons aujourd’hui la journée de l’espéranto, qui, chaque année, commémore la naissance de son créateur. Mais si, comme nous, vous ne connaissez l’espéranto que de loin ou de nom, voici l’occasion parfaite de découvrir ses caractéristiques et son histoire.

Histoire de l’espéranto

Au cours des années 1870, un jeune polonais de Bialystok mûrit un projet de langue équitable pour la communication internationale. À l’âge de 19 ans, il présente son travail à ses camarades de lycée sous le pseudonyme de « Doktoro Esperanto » (ou docteur espérant). Mais ce n’est qu’en juillet 1887, après la fin de ses études d’ophtalmologie qu’il publie en russe Langue internationale, le premier manuel d’espéranto. Des versions dans d’autres langues sont ensuite éditées dans les années qui suivent.

Le but annoncé de l’ouvrage est le suivant :

« Qu’on puisse l’apprendre, comme qui dirait, en passant [et] aussitôt en profiter pour se faire comprendre des personnes de différentes nations, soit qu’elle trouve l’approbation universelle, soit qu’elle ne la trouve pas [et que l’on trouve] les moyens de surmonter l’indifférence de la plupart des hommes, et de forcer les masses à faire usage de la langue présentée, comme d’une langue vivante, mais non pas uniquement à l’aide du dictionnaire. »

Portrait photographique en noir et blanc de Louis-Lazare Zamenhof
Louis-Lazare Zamenhof,
père de l’espéranto

Le succès de l’espéranto dépasse les espoirs de son créateur. Sa pratique se propage en effet, d’abord dans l’Empire russe et l’Europe de l’Est, puis en Europe Occidentale et en Amérique. Il est ensuite introduit au Japon lors de la guerre russo-japonaise de 1904-1905, et en Chine. Les premiers cours d’espéranto voient le jour à Shanghai dès 1906. Mais, à cette époque, il s’agit principalement d’une langue écrite, les échanges se faisant par lettres ou grâce à des périodiques spécialisés.

Le premier congrès mondial d’espéranto se déroule à Boulogne-sur-Mer en 1905, et lance véritablement son utilisation à l’oral. C’est d’ailleurs à l’occasion de ce congrès qu’est publié Fundamento de Esperanto, un manuel qui fixe les principes de la langue. L’engouement est tel que l’espéranto est même proposé comme langue de travail de la Société des Nations. La proposition, soutenue par le Japon et la Perse, échoue finalement, notamment en raison d’un véto français.

Les deux guerres mondiales mettent tour à tour un coup d’arrêt au développement de la langue, mais l’espéranto reste pratiqué dans le monde. Il connaît même un renouveau à l’ère de l’internet, grâce à l’engagement de jeunes espérantophones et la création de ressources gratuites en ligne.

L’espéranto, qu’est-ce que c’est ?

L’objectif de l’espéranto est de fournir une solution à la fois efficace et équitable du point de vue économique pour la communication entre personnes de langues maternelles différentes. Pour cela, il doit être facile à apprendre et à maîtriser à tout âge. Les caractéristiques principales de l’espéranto sont donc les suivantes :

  • Sa grammaire ne comporte pas d’exceptions.
  • C’est une langue agglutinante : on peut combiner les mots pour en former d’autres.
  • On a donc un vocabulaire précis et riche, formé à partir d’un nombre restreint de racines lexicales.
  • La langue évolue peu : l’Académie d’espéranto contrôle les entrées de nouveaux mots en particulier.

L’espéranto est une langue construite, qui n’est donc apparentée à aucune langue naturelle. Toutefois, sa grammaire et son vocabulaire proviennent principalement de langues indo-européennes, voire romanes. Le caractère absolument égalitaire et universel de la langue est donc sans doute à nuancer.

L’Espérantie

Drapeau de l'Espérantie : fond vert, carré blanc en haut à gauche orné d'une étoile verte à 5 branches
Drapeau de l’Espérantie

Mais d’où viennent donc les espérantophones ? Eh bien, ils viennent d’Espérantie, à savoir non pas d’un mais d’au moins 120 pays, répartis dans le monde. L’Espérantie rassemble tous les pays du monde où se pratique l’espéranto, mais aussi les lieux de rencontre virtuels consacrés à cette langue. Les pays comptant le plus de locuteurs sont la France, le Japon, les États-Unis, l’Italie, la Chine, l’Allemagne et le Brésil. On estime que 100 000 personnes parlent espéranto couramment dans le monde et qu’un million le comprennent.

Depuis sa création, l’espéranto a peu évolué, ses partisans ayant résisté aux tentatives de réformes. Cette réticence a mené à des tensions au sein de la communauté espérantophone. Un groupe s’est même séparé en 1908, pour créer une langue construite dérivée, l’ido.

Les personnes qui apprennent l’espéranto le font souvent comme deuxième langue, et souvent en autodidacte. Mais, chose tout à fait remarquable, il existe des locuteurs natifs. Ils seraient environ 1000 dans le monde, et ils l’apprennent, soit par tradition familiale, soit en raison de sa valeur propédeutique. Ce mot barbare signifie simplement qu’apprendre l’espéranto facilita l’apprentissage futur d’autres langues : on parle de l’espéranto comme d’un « accélérateur de multilinguisme ».

Dans un auditorium :  Un homme debout fait un discours devant la salle, un panel est assis derrière lui.
Clôture du 100e Congrès mondial d’espéranto (Lille, 2015)

L’espéranto : entre langue et culture(s)

Chaque langue charrie une culture, une histoire, une vision de la société, de l’autre. Espéranto veut se placer entre les cultures pour proposer une solution universelle. Or, dans le concert des nations et des peuples, les incompréhensions purement linguistiques ne sont jamais aussi sérieuses que les incompréhensions culturelles.

L’espéranto permettrait-il enfin de s’acculturer ? Est-ce même possible ? Ou ne fait-on que se déplacer de culture en culture ? La réalité est peut-être là. Cette langue, au croisement des influences, à la foi partout et nulle part, a donné lieu à sa propre culture. Ses congrès, ses rencontres, son histoire sont certes porteurs d’intentions universalistes, mais constituent tout de même une culture. Un ensemble qui se fragmente, se codifie, évolue hic et nunc, dans les lieux et temporalités de ses locuteurs. Comment trouver un centre de gravité moins auto et ethnocentré et s’ouvrir à l’autre ? Il s’agit sans doute de découvrir le plus de cultures possible, le mieux possible. Apprenons donc l’espéranto afin de mieux apprendre le reste…

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